Suivi des causes de mortalité chez les corneilles d’Amérique au Québec (2022 à 2024)
La corneille d’Amérique est une espèce qui tient une place importante dans plusieurs écosystèmes du Québec, incluant les milieux agricoles, forestiers, péri-urbains et urbains. Depuis le début de l’année 2022, un total de 312 incidents de mortalités de corneilles ont été investigués par le centre régional du Québec. La corneille d’Amérique représente en fait l’espèce la plus fréquemment soumise à notre laboratoire dans le cadre du programme de surveillance en continu. Les causes d’origine infectieuses ont été identifiées comme étant responsables de 62% des incidents pour lesquels la cause de la mort a été identifiée. Des infections causées par trois virus sont de loin les causes de mortalité les plus fréquentes.
En premier lieu, des infections par le virus du Nil occidental (VNO) ont été documentées comme étant la cause de la mort chez 118 corneilles, incluant 55 cas en 2024. La corneille reste toujours très sensible à ce virus qui a été introduit en Amérique du Nord il y a plus de vingt ans. Bien que les jeunes oiseaux soient surreprésentés dans les cas de VNO, les oiseaux de plus de deux ans représentent environ le quart des cas. À noter qu’en raison du mode de transmission primaire de ce virus (via les insectes piqueurs) les cas d’infection sont essentiellement observés de la fin du mois de mai au début du mois d’octobre.
Un total de 45 d’infection par le virus de l’influenza aviaire hautement pathogène H5N1 a été diagnostiqué depuis l’arrivée de ce virus au Québec en 2022. Les corneilles s’infectent vraisemblablement lors de la consommation de carcasses de canards ou d’oies mortes de cette infection. Les cas d’infection chez des corneilles adultes (plus de deux ans) ont été plus fréquemment observés que chez les oiseaux plus jeunes, suggérant une exposition plus grande des corneilles adultes à ce virus (par une alimentation plus fréquente sur des carcasses par exemple). La diminution progressive du nombre de cas chez les corneilles (25 cas en 2022, 11 cas en 2023 et 9 cas en 2024) suggère qu’une immunité de groupe s’installe dans les populations d’oiseaux sauvages. À noter que chez les corneilles cette diminution temporelle est surtout notée chez les sujets adultes, ce qui supporte cette affirmation.
Le troisième agent viral associé à des mortalités chez les corneilles est un orthoréovirus causant l’entérite virale hivernale de la corneille. Cette condition, qui a été décrite pour la première fois au début des années 2000, a été documentée comme cause de mortalité dans 18 incidents au Québec depuis 2022. Comme son nom l’indique, cette condition est surtout observée au cours de la saison hivernale. Le regroupement des oiseaux dans les dortoirs durant les saisons d’automne et d’hiver favorise vraisemblablement la transmission de cette maladie d’une corneille à l’autre.
En plus de ces infections virales, nos examens ont permis de mettre en évidence des cas de conditions très peu décrites chez cette espèce telles la yersiniose (causée par une infection par la bactérie Yersinia pseudotuberculosis) et la sarcocystose (infection systémique par un protozoaire).
La corneille d’Amérique espèce abondante retrouvée dans la majorité des écosystèmes au Québec est une bonne espèce sentinelle pour faire un suivi de certains agents infectieux, comme le VNO et l’influenza aviaire qui peuvent potentiellement se transmettre à l’Homme ou avoir un impact sur le cheptel domestique. De plus, le suivi des causes de mortalité nous permettre de détecter de nouvelles conditions émergentes qui pourrait avoir un impact sur la santé des espèces fauniques.
Stéphane Lair, RCSF-Québec