Quatre renards gris soumis pour analyse au RCSF-Québec au mois de mars
Le renard gris (Urocyon cinereoargenteus) est un mammifère de la famille des Canidés dont la silhouette rappelle celle du renard roux (Vulpes vulpes). Il s’en distingue par un corps plus trapu, un museau plus court, un pelage gris argenté sur le dos et les flancs, et une queue noire à l’extrémité. Il est le seul canidé de l’Amérique du Nord capable de grimper aux arbres, grâce à ses pattes courtes et souples et ses longues griffes recourbées. À l’instar de son cousin roux, c’est un animal crépusculaire et nocturne, omnivore et opportuniste, qui consomme aussi bien des mammifères (lapins à queue blanches et petits rongeurs), que des oiseaux, invertébrés et végétaux. Son habitat est également très varié mais il semble avoir une préférence pour les forêts de feuillus.
Disparu du Canada pendant plus de deux siècles à l’arrivée des Européens, il a fait sa réapparition dans les années 1890 dans le Sud du Québec et en 1940 en Ontario et a ensuite été sporadiquement observé au Canada, depuis le Manitoba jusqu’au Nouveau-Brunswick. Actuellement, on recense deux sous-populations au Canada : une sur l’Île Pelée, au sein de laquelle la reproduction est confirmée, et une dans le nord-ouest de l’Ontario, probablement constituées de juvéniles en dispersion depuis les États-Unis mais où des indices de reproduction ont récemment été notés. Dans le sud du Québec, on mentionne l’espèce de plus en plus souvent ces dernières années (sur 45 mentions depuis les années 1890 jusqu’en 2017, 36 ont été faites depuis 2003). Seulement sept renards gris ont été soumis pour analyse au RCSF-Québec, et quatre de ces animaux l’ont été au mois de mars dernier. Ces observations suggèrent que la distribution du renard gris progresse dans la région. Jusqu’à présent, nous ne disposions d’aucune preuve directe de reproduction du renard gris au Québec, mais sur les quatre spécimens reçus au RCSF au mois de mars, deux d’entre eux étaient des femelles gestantes.
Compte tenu de la récente hausse des mentions dans le nord-ouest de l’Ontario et au sud du Québec et de l’accroissement des sous-populations dans le nord-est des États-Unis, le rétablissement du renard gris au Canada semble avoir de bonnes chances de se poursuivre. Le COSEPAC (Comité sur la situation des espèces en péril au Canada) a d’ailleurs mis en place un programme de rétablissement,[1] et considère le renard gris comme une espèce menacée. Au Québec, l’espèce est qualifiée de résidente occasionnelle et ne fait donc l’objet d’aucune désignation en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables (LEMV) du Québec. Le piégeage est toutefois interdit et tout animal accidentellement capturé doit être relâché ou déclaré à un agent de protection de la faune s’il est trouvé blessé ou mort. Le programme de rétablissement du COSEPAC s’intéresse à l’identification de l’habitat préférentiel du renard gris et des menaces pesant sur l’espèce ou sur son habitat. La chasse et le piégeage accidentel, qui constituent le gros des mentions de renard gris, sont la seule menace significative identifiée par le COSEPAC à ce jour. Cependant, il existe d’autres menaces potentielles, comme la mortalité routière, les maladies, les interactions avec les autres Canidés (prédation et/ou compétition). Les conditions climatiques hivernales pourraient également limiter l’expansion du renard gris vers le nord du Québec.
Les maladies infectieuses semblent être un facteur non-négligeable. En effet, six des sept renards gris soumis au RCSF-Québec sont morts des suites d’une infection par le virus distemper. Fréquemment rencontré chez les ratons laveurs et mouffettes au Québec, le distemper est une maladie très contagieuse et souvent fatale, susceptible de toucher les Canidés dont le renard gris. Son impact sur le rétablissement du renard gris au Canada est inconnu mais elle pourrait sans doute être un facteur limitant si elle est à l’origine d’importantes mortalités. Le distemper provoque souvent des signes neurologiques variés qui peuvent se manifester par de l’abattement sévère, un comportement anormal, des tremblements ou une paralysie. Ces signes peuvent être confondus avec ceux de la rage.
Le renard gris semble bien être en progression au Québec et pourrait s’y établir dans les décennies à venir. Les données sont toutefois trop peu nombreuses pour juger de son rétablissement dans la région et des menaces qui pèsent sur elle. En plus, des observations en milieu naturel, la déclaration des captures ou abattages accidentels de renard gris et la documentation des causes de mortalités permettront d’accroître les connaissances sur l’espèce.
Marion Jalenques et Stéphane Lair, RCFS – Québec
[1] Pour plus de détails : https://www.sararegistry.gc.ca/default.asp?lang=Fr&n=8080A33B-1
Crédit photo de couverture: James Marvin Phelps