Première documentation d’infections fatales par un Ranavirus chez des amphibiens au Québec

Une mortalité massive de grenouilles des bois (Rana sylvatica) et de salamandres maculées (Ambystoma maculatum) a été rapportée au début du mois de juillet dernier dans un étang dans la région de Québec. Plus de 500 têtards de grenouilles des bois ont été retrouvés morts sur ce site en l’espace de 4 jours. Une trentaine de larves de salamandres maculées et une grenouille des bois adulte ont aussi été trouvées mortes 10 jours après le début des mortalités des têtards. Ces deux espèces se reproduisent dans cet étang depuis 2012, et c’est la première fois que des mortalités sont observées. Les autres organismes présents dans cet étang (insectes) ne semblaient pas affectés. Plusieurs des larves de salamandres présentaient des zones d’hémorragies au niveau de la peau (photo 1).

Larvae of spotted salamander

Photo 1: Larves de salamandre maculée (Ambystoma maculatum) trouvée morte suite à une infection par un Ranavirus. On note la présence d’hémorragies au niveau de la peau. Crédit photo : Frédérick Lelièvre.

La grenouille adulte et des larves de salamandres ont été soumises au centre régional du RCSF – Québec pour analyse. L’examen histologique de la grenouille a permis de mettre en évidence des foyers de nécrose dans la moelle osseuse et la peau. Une légère inflammation de la peau était aussi présente. Quelques foyers de nécroses des cellules hématopoïétiques rénales et des hémorragies musculaires étaient présentes chez les larves de salamandres. À noter la présence de particules alimentaires dans le tractus gastro-intestinal, indiquant une mort rapide suite à une maladie de très courte durée (les larves s’alimentaient peu de temps avant leur mort).

La présentation clinique (mortalité massive aigue touchant plus d’une espèce d’amphibien) et les lésions histologiques observées sont suggestives d’une infection par des virus du genre Ranavirus (famille Iridoviridae). Cette suspicion a été confirmée par la détection d’un Frog Iridovirus à l’aide d’une méthode moléculaire, et ce à la fois chez la grenouille et les larves de salamandres (PCR réalisé au British Columbia Animal Health Centre). Un diagnostic d’infections par un Ranavirus, vraisemblablement “Frog Virus 3 (FV3)“, a donc été posé.

Ces virus ont été associés à des mortalités épizootiques chez différentes espèces d’amphibiens (incluant chez la grenouille des bois et la salamandre maculée) en Amérique, Asie et Europe. Le virus le plus souvent incriminé dans les cas de mortalités d’amphibiens en Amérique du Nord est le “Frog Virus 3 (FV3)“. Les larves de salamandres, les têtards et les grenouilles en phase post-métamorphose sont les stades de développement les plus susceptibles au virus. Fait intéressant, les Ranavirus peuvent aussi potentiellement causer des mortalités chez les reptiles et les poissons. Bien que la présence de Ranavirus a déjà été documentée au Québec (voir Paetow LJ et D’Aoust-Messier), il s’agit, à notre connaissance, du premier rapport d’un épisode de mortalité associée à cette infection virale chez des amphibiens au Québec. Des cas d’infections fatales à Ranavirus ont déjà été rapportés en Ontario, dans les provinces de l’ouest et dans les Maritimes. La fréquence de la documentation des épizooties causées par des Ranavirus semble être en augmentation. Cette émergence apparente de ces infections virales pourrait être associée à l’introduction de nouvelles souches pathogènes de virus par l’Homme dans des populations d’amphibiens naïfs. Par exemple, l’utilisation d’amphibiens comme appât pour la pêche est souvent proposé comme un facteur qui pourrait favoriser la dispersion de ces virus dans de nouvelles zones. Il a été suggéré que les infections causées par des Ranavirus puissent contribuées au déclin observé de plusieurs populations d’amphibiens. Bien qu’il n’y ait pas de méthode de contrôle de connue, différentes mesures peuvent être mise en place afin de limiter la propagation de ces virus d’un étang à l’autre. Par exemple, on prendra soins de désinfecter notre équipement surtout si l’on fréquente des zones où des mortalités ont été observées (ex : désinfection avec une solution d’eau de Javel à 3% pour une minute). Afin de limiter les risques d’introduction de ces virus dans un nouvel environnement il est préférable de ne pas remettre en nature d’amphibiens ou de reptiles dans un site autre que celui où ils ont été récoltés.

Références :

Paetow LJ, Pauli BD, McLaughlin JD et al (2011) First detection of Ranavirus in Lithobates pipiens in Quebec. Herpetol Rev 42:211–214.

D’Aoust-Messier AM, Echaubard P, Billy V, Lesbarrères D. Amphibian pathogens at northern latitudes: presence of chytrid fungus and Ranavirus in northeastern Canada. Dis Aquat Organ. 2015 Mar 9;113(2):149-55.

Stéphane Lair, RCSF – Québec

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