Premier cas d’infection par le virus de l’influenza aviaire H5N1 hautement pathogène chez un ours noir
Un ours noir femelle adulte présentant un comportement non habituel a été rapporté par des visiteurs en juin dernier dans le Parc national de Forillon au Québec dans la région de la Gaspésie. Cet ours, qui avait un comportement étrange tôt dans la journée du 14 juin déambulait entre des véhicules, est descendu à l’eau dans un havre de pêche, s’est par la suite mis à nager en tournant en rond, est ressorti et a percuté un muret. Plus tard dans la journée, les employés de Parcs Canada ont retrouvé l’animal qui était en décubitus latéral dans un fossé, avait une respiration superficielle et ne réagissait pas aux stimuli sonores. Des convulsions et des spasmes ont aussi été aperçus. En raison de son état, l’animal a été anesthésié par les employés de Parcs Canada, puis euthanasié pour des raisons humanitaires. Différents organes échantillonnés par les employés du parc ont été acheminés au CQSAS (RCSF-Québec) pour analyse.
L’examen microscopique des tissus a révélé la présence de lésions inflammatoires dans le cerveau de l’animal (méningo-encéphalite). Ces lésions étaient caractérisées par une accumulation périvasculaire importante de cellules lymphoplasmocytaires. Ce même type de cellules infiltrait aussi les méninges. De la nécrose neuronale était aussi présente. Les analyses moléculaires effectuées par le laboratoire du MAPAQ ont permis de mettre en évidence la présence d’un virus de l’influenza aviaire hautement pathogène H5N1 (AIV H5N1) dans le cerveau. Ce résultat a été confirmé au laboratoire de l’ACIA. Les résultats de ces examens indiquent donc que les signes neurologiques observés chez cet ours étaient dus à une inflammation du cerveau causée par infection par le virus de l’AIV H5N1. Ce virus, qui a fait son apparition en Amérique du Nord au cours de l’hiver dernier, a été associé jusqu’ici à des mortalités importantes chez plusieurs espèces d’oiseaux sauvages. Trois groupes d’oiseaux ont été particulièrement affectés par ce virus jusqu’ici : les anatidés (oies, bernaches et canards), les oiseaux nécrophages (goélands, urubus, corvidés et pygargues) et les oiseaux marins coloniaux comme les eiders à duvet et les fous de Bassan. Bien que beaucoup moins fréquentes que les infections chez les oiseaux, des infections fatales ont aussi été rapportées chez quelques espèces de mammifères, incluant le renard roux, le raton laveur, la mouffette rayée et le phoque commun. Le cas décrit ici est, à notre connaissance, le premier cas d’infection fatale par un AIV H5N1 chez un ursidé. On peut faire l’hypothèse que cet animal s’est infecté en consommant des carcasses d’oiseaux marins sur les grèves du parc. En effet, des infections par le AIV H5N1 ont été documentées au cours des mois de mai et juin dans la région chez plusieurs oiseaux marins, incluant fou de Bassan, petit pingouin, macreuse à front blanc et guillemot marmette. Ce mode d’infection (par ingestion) est le mode de contamination proposé pour toutes les espèces de mammifères à l’exception des phoques.
La documentation de ces cas d’infection chez des espèces de mammifères peut nous aider à mieux comprendre quelles sont les modifications génétiques pouvant potentiellement favoriser les infections chez les mammifères, incluant chez l’Homme.
Bien que les risques de transmission de ce virus influenza aviaire à l’Homme et aux animaux domestiques semblent faibles, il est recommandé de ne pas s’approcher, et surtout de ne pas toucher un animal malade ou mort. On préviendra aussi les contacts entre nos animaux domestiques et les oiseaux ou mammifères sauvages morts. De plus, bien que les risques soient faibles, il est recommandé de bien faire cuire la viande de gibier à plumes ou d’espèces de mammifères pouvant potentiellement consommer des oiseaux infectés. L’ensemble des recommandations en lien avec la chasse et la grippe aviaire peuvent être consultées sur la page Web suivante : La faune sauvage et la grippe aviaire – Conseils généraux sur la manipulation pour protéger votre santé – Canada.ca
Stéphane Lair – RCSF Québec / CQSAS, Faculté de médecine vétérinaire, Université de Montréal