Nécropsie d’un rorqual à bosse par le RCSF-Québec
Le 25 octobre dernier, le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins (RQUMM) est entré en contact avec l’équipe du Centre québécois sur la santé des animaux sauvages (RCSF-Québec) suivant l’observation d’une carcasse de rorqual à bosse (Megaptera novaangliae) près de Mont-Saint-Pierre, en Gaspésie. Les options d’interventions pour tenter de déterminer la cause de la mort de cet individu ont été examinées conjointement, et avec le support de Pêches et Océans Canada et du MELCCFP de la région du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine. La localisation de l’échouage ne permettait pas une intervention supportée par la machinerie lourde et l’accès était seulement possible à marée basse. Malgré ces défis logistiques, un examen post-mortem a pu être réalisé le matin du 27 octobre par les équipes du CQSAS (RCSF-Québec) et du RQUMM.
Une évaluation externe de la carcasse a été réalisée avant de commencer à retirer la peau et le gras du corps de l’animal. Cette étape de la nécropsie est la plus longue, mais aussi une des plus importante puisqu’elle permet l’évaluation de la présence d’indications potentielles de collision avec un navire et l’accès aux structures internes de la baleine. Après environ 3 heures de travail sur la carcasse, plusieurs organes internes ont pu être identifiés et échantillonnés pour des analyses subséquentes. Il est à noter que des mesures morphométriques avaient déjà été réalisées par l’équipe du RQUMM lors d’une précédente marée basse, encore une fois afin de maximiser le plus possible le temps de travail directement sur la carcasse le jour de la nécropsie.
Cette intervention a permis de déterminer que cet individu mâle était un juvénile de 10,7 m dont l’âge estimé être entre 3 et 5 ans (Boye et al. 2020, Stevick 1999). Une photo identification a pu être réalisée et a révélé que ce rorqual avait été vu pour la dernière fois dans la région de Tadoussac par l’équipe de recherche du GREMM le 27 septembre dernier, en compagnie de deux autres individus. Au cours de l’évaluation de la carcasse, aucune évidence d’empêtrement dans des cordages de pêche n’a été observée, avec comme limitation que la position de la carcasse ne permettait pas d’évaluer la base de la nageoire pectorale droite. Cette investigation sommaire n’a pas non plus mis en évidence de lésions pouvant être associées à un trauma contondant, mais une possibilité de collision avec un navire ne peut pas être exclue hors de tout doute compte tenu de l’évaluation partielle des structures pouvant être atteintes lors d’une collision. Étant donné que les repères anatomiques normalement utilisés dans l’évaluation de la condition corporelle chez les baleines n’étaient pas visibles au moment de la nécropsie, il ne fut pas possible de bien évaluer l’état de chair de ce rorqual durant la nécropsie. Néanmoins, comme la condition corporelle de l’animal avait été évaluée comme étant adéquate lors de la dernière observation un mois auparavent, nous ne croyons pas que cet individu est mort de faim.
L’évaluation histologique des tissus récoltés pourrait nous aider à tracer un portrait plus précis de ce qui a pu mener à la mort de cet individu. L’information obtenue lors de la nécropsie, bien que partielle, ainsi que l’expérience logistique acquise dans un contexte d’intervention avec un accès limité restent des atouts importants qui justifient ce genre de procédure lorsque les conditions de terrain le permettent.
Bien que le rorqual à bosse soit considéré comme une espèce à ‘préoccupation mineure’ par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), une étude récente suggère un lien entre un déclin du succès reproducteur et des variations environnementales affectant la disponibilité des ressources alimentaires de l’espèce dans le golfe du Saint-Laurent, un lieu d’alimentation estival majeur pour cette espèce (Kershaw et al 2020). De plus, depuis 2016, une investigation sur des mortalités inhabituelles de baleines à bosse est en cours sur la côte est des États-Unis, sans qu’il y ait pour le moment de conclusions publiées sur les causes précises de mortalité, outre quelques cas de collision avec des navires (NOAA).
Cette nécropsie a pu avoir lieu grâce aux partenariats établis entre le CQSAS/RCSF, le GREMM/RQUMM et Pêches et Océans Canada. Merci à l’équipe terrain qui a affronté la noirceur et des conditions d’accès sous-optimales pour tenter d’élucider la cause de la mort de cet individu.
Références :
Boye TK, Garde E, Nielsen J, et al (2020) Estimating the age of West Greenland humpback whales through aspartic acid racemization and eye Lens bomb radiocarbon methods. Frontiers in Marine Science. 6:811.
Kershaw J. Ramp CA, Sears R, Plourde S, Brosset P, Miller PJO, Hall AJ (2020) Declining reproductive success in the Gulf of St. Lawrence’s humpback whales (Megaptera novaeangliae) reflects ecosystem shifts on their feeding grounds. Global Change Biology. 27(5):1027-1041.
NOAA. https://www.fisheries.noaa.gov/national/marine-life-distress/2016-2023-humpback-whale-unusual-mortality-event-along-atlantic-coast
Stevick PT (1999) Age-length relationships in humpback whales: A comparison of strandings in the Western North Atlantic with commercial catches. Marine Mammal Science. 15(30): 725-737.
Benjamin Jakobek, Émilie L. Couture, RCSF-Québec