Le rorqual à bosse qui a passé plusieurs jours dans la région de Montréal a été retrouvé mort : Une collision avec un bateau est suspectée
Un rorqual à bosse était observé depuis le 27 mai dernier dans le Fleuve Saint-Laurent dans la région de Montréal. Le Réseau québécois d’urgence des mammifères marins (RQUMM) a mis en place un programme de suivi afin de monitorer le niveau d’activités de l’animal et de sensibiliser les plaisanciers et les armateurs à la présence inhabituelle de l’animal dans ce secteur. Cette sensibilisation avait comme objectif de minimiser les risques de dérangements et de collisions par des embarcations. La présence inusitée de cette baleine en plein cœur de l’agglomération montréalaise a attiré l’attention d’un grand nombre de citadins.
L’évaluation à distance de l’animal indiquait qu’il s’agissait d’une baleine d’environ 2 ans présentant un état corporel adéquat. Au fil des jours, l’apparence de la peau de l’animal s’est progressivement dégradée, ce qui n’est pas inattendu pour un cétacé exposé à l’eau douce. Le niveau d’activités de l’animal, qui nageait vigoureusement face au courant et effectuait des séries de sauts hors de l’eau de façon journalière, semblait par contre bon. Bien que ce type d’incursion de baleines à fanons en eau douce reste inhabituelle, des cas similaires ont déjà été rapportés en Amérique du Nord et en Europe. Les raisons qui ont poussé ce rorqual à s’aventurer en eau douce à plus de 400 km de son habitat habituel restent incertaines. Les jeunes cétacés peuvent avoir tendance à explorer de nouvelles régions. Dans certains cas, ce comportement exploratoire est possiblement associé aux mouvements des bancs de poissons qui font partie de l’alimentation de la baleine. À noter qu’il a été suggéré que la présence de l’animal dans la portion fluviale du Saint-Laurent pourrait coïncider à une montaison importante d’aloses. Serait-il possible que ce rorqual ait suivi ses proies potentielles dans le Fleuve Saint-Laurent? Difficile à dire.
La trace de la baleine, qui jusque-là était restée dans le même secteur, a été perdue le 7 juin en matinée après une dernière observation tout juste à la pointe est de l’Île de Montréal. Après 48 heures sans nouvelles de la baleine, sa carcasse a été retrouvée à Varennes. Afin de déterminer la cause de la mort de l’animal, une nécropsie a été effectuée par l’équipe du RCSF – Région du Québec au quai de Sainte-Anne-de-Sorel. À l’examen, ce rorqual à bosse femelle juvénile de 10,2 mètres présentait un état de chair adéquat. Une proportion importante de la surface de la peau était recouverte par une prolifération de matériel duveteux formant fréquemment des lésions circulaires. Bien que cette accumulation de matériel était majoritairement superficielle, dans certaines zones, l’épaisseur complète de l’épiderme semblait être impliquée. La première évaluation de ce matériel suggère qu’il s’agit principalement d’une infection par Saprolegnia sp. (saprolégniose). Ce micro-organisme est un oomycète opportuniste présent naturellement dans l’eau douce, qui peut coloniser des plaies cutanées chez les poissons et est connu pour envahir la peau des cétacés lors de leur séjour en eau douce. Ce type de changements cutanés est fréquemment observé sur la peau des cétacés passant un certain temps en eau douce. L’impact de ces lésions cutanées souvent spectaculaires sur la santé de l’animal reste incertain. Il a été observé que ce type de changements disparaît rapidement lorsque l’animal retourne en eau salée. L’examen macroscopique de la baleine a permis de mettre en évidence des zones hémorragiques suggestives de contusions au niveau des tissus sous-cutanés et dans les couches superficielles des muscles. Bien que ces zones étaient présentes des deux côtés de la carcasse, le flanc gauche était de loin le plus affecté. La présence de ces contusions pourrait suggérer une collision avec un bateau. Cette observation, qui devra être confirmée suite aux analyses plus complètes, nous fait croire que la mort de cette baleine pourrait bien avoir été causée par une collision avec un navire de grande taille. Ce type de mortalité soudaine pourrait expliquer la disparition subite de l’animal.
Ce diagnostic reste pour l’instant préliminaire. L’équipe du RCSF – Région du Québec devrait soumettre un rapport détaillé de l’évènement au cours de l’été. Les collisions avec les bateaux sont une des principales causes de mortalité chez les grandes baleines à fanons. Pour certaines espèces, comme la baleine noire, ces collisions représentent en fait une cause significative de déclin.
La présence inhabituelle de cet animal en milieu urbain et sa mort ont été associées à une attention médiatique sans précédent; plusieurs entrevues ayant été réalisées. Ceci démontre bien l’intérêt de la population québécoise pour tout ce que touche à la santé de la faune.
Le RCSF – Région du Québec souhaite remercier tous les partenaires qui ont participé au suivi et à la nécropsie de ce rorqual à bosse, tout particulièrement l’équipe du RQUMM qui s’est occupé de la logistique de cette opération complexe et la municipalité de Sainte-Anne-de-Sorel.
Stéphane Lair
RCSF – Région du Québec