Le RCSF-Québec contribue à un programme de recherche sur les pékans en Abitibi-Témiscamingue
Louis Imbeau, professeur à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), s’intéresse à l’impact de l’aménagement du territoire sur la biologie de la martre d’Amérique (Martes americana) et du pékan (Pekania pennanti). Dans le cadre de ce programme de recherche, des animaux sont capturés et munis de colliers émetteurs permettant de suivre leurs déplacements sur le territoire. Pour ce faire, ces animaux doivent être anesthésiés par l’équipe de terrain. Historiquement, les animaux ont été anesthésiés à l’aide d’une machine d’anesthésie gazeuse. Bien que cette méthode se soit avérée sécuritaire et efficace, son utilisation est limitée aux territoires accessibles par la route; en effet, la machine d’anesthésie et les bombonnes d’oxygène sont relativement lourdes et nécessitent donc l’utilisation d’un véhicule. Dans le cadre d’un projet de recherche de Nathan Chabaud, doctorant sous la supervision de Louis Imbeau de la Chaire en Aménagement forestier durable à l’UQAT, des émetteurs seront installés sur des pékans au cours des prochains hivers. Puisque très peu de routes forestières sont praticables par un véhicule durant la période hivernale dans cette région, l’équipe de recherche souhaiterait utiliser une méthode d’anesthésie sécuritaire et rapide qui nécessiterait l’utilisation d’un équipement facilement transportable lors de déplacement à pieds ou en motoneiges. Afin d’évaluer une alternative à la méthode actuelle, un projet pilote a été réalisé sur le terrain (Abitibi-Témiscamingue) en février 2020 avec la collaboration de l’équipe du RCSF-Québec.
Une méthode « d’anesthésie portative » a été testée sur plusieurs martres d’Amérique et sur un pékan au cours de ce projet réalisé grâce au soutien du Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, de l’UQAT et de la Fédération des Trappeurs Gestionnaires du Québec (FTGQ). L’équipe de terrain pour ce projet était composée de Pauline Suffice, Pierre Fournier, Karine Béland et Stéphane Lair.
Les animaux ont d’abord été capturés dans des cages adaptées, manipulés dans un cône de tissu et anesthésiés à l’aide de sévoflurane, un gaz anesthésiant couramment utilisé en médecine vétérinaire. Cet agent anesthésique était administré directement sous sa forme liquide dans un montage simple attaché à un masque, où il était ensuite inhalé sous forme de vapeur par l’animal. Il est important de mentionner que l’utilisation du sévoflurane liquide sans vaporisateur pour l’anesthésie n’est sécuritaire qu’à des températures extérieures sous la barre du point de congélation. En effet, à ces températures, l’anesthésiant liquide s’évapore à des concentrations efficaces, et ce sans dépasser les concentrations qui pourraient être dangereuses. Ce type d’utilisation pourrait en effet être fatal à des températures extérieures plus élevées car la concentration obtenue pourrait dépasser le seuil de sécurité.
Les animaux étaient maintenus dans le cône de tissu jusqu’à ce que le niveau de sédation soit suffisant pour permettre les manipulations sécuritaires, ce qui était en général très rapide. Une fois endormis, les animaux étaient examinés et une micropuce d’identification sous-cutanée était mise en place. Un collier émetteur a également été installé sur le pékan. Différentes mesures morphométriques, de même que plusieurs photographies de l’animal étaient également prises pendant l’anesthésie. Une fois les procédures terminées, l’animal était gardé au chaud, enveloppé dans une couverture en cas de températures moins clémentes, jusqu’à ce qu’il soit légèrement réactif puis ensuite transféré dans une cage de réveil. Lorsque son comportement était jugé de retour à la normale, ce qui ne nécessitait que quelques minutes tout au plus, l’animal était relâché au même endroit où il avait été capturé. Les anesthésies et les réveils se sont tous déroulés sans complication et tous les animaux ont très bien récupéré suite aux procédures. Aucun d’entre eux n’a fait d’hypothermie pendant les procédures, malgré des températures extérieures allant jusqu’à -16°C, démontrant encore une fois qu’il s’agit de deux espèces de mustélidés très bien adaptées aux rudes hivers québécois, malgré leur petite taille.
Grâce à la pose du collier émetteur, les déplacements du pékan pourront être suivis pour une période d’environ 12 mois. Les chercheurs ont déjà pu apprécier que ce pékan se soit déplacé sur des distances surprenantes, parcourant même jusqu’à 65 km à partir du site initial de sa capture
Ce projet pilote a démontré que l’utilisation de sévoflurane liquide est une alternative sécuritaire et efficace pour l’anesthésie de courte durée de pékans dans des conditions hivernales à des températures sous le point de congélation. Cette méthode est associée à une induction et un réveil très rapides, ce qui contribue à diminuer le niveau de stress des animaux et les risques de complications. Il reste par contre essentiel de bien surveiller les signes vitaux des animaux anesthésiés afin de bien suivre la profondeur de cette anesthésie.
Karine Béland, Stéphane Lair RCSF-Québec