Le RCSF – Québec collabore à un projet de recherche sur les orignaux en Jamésie

Les orignaux sont de grands ruminants de la famille des Cervidés qui vivent en Amérique du Nord. Les mâles sont caractérisés par des bois aplatis en éventail, et peuvent peser jusqu’à 700 kg, ce qui en fait le plus grand des cervidés actuels. Leurs longues pattes et leur long cou sont adaptés à leur diète (principalement des jeunes branches, pousses et feuilles de saule ou de bouleau, et des plantes aquatiques) et à leur environnement (forêts boréales et forêts mixtes de feuillus, sapinières à bouleaux, zones humides et marécageuses). Leurs sabots élargis leur permettent de nager et de ne pas s’enfoncer dans les sols mous (neige, tourbières). Les orignaux sont présents sur une grande partie du Québec, notamment dans les forêts de l’est où la surpopulation de l’espèce peut avoir des conséquences dévastatrices sur la régénération forestière. Les populations d’orignaux du Québec se portent bien en général. Fait intéressant, cette espèce semble être favorisée par les coupes forestières. Ceci étant dit nos connaissances sur les impacts (positifs ou négatifs) des pratiques de coupes restent limitées sur le territoire de la Jamésie.

Une équipe du Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs – bureau de Chibougamau (MFFP), sous la supervision de Vincent Brodeur, a entrepris un projet visant à mieux comprendre cette relation chez les orignaux en Jamésie. Benjamin Lamglait et Stéphane Lair du RCSF – Québec ont été invités à participer au projet comme vétérinaires afin d’aider aux anesthésies et de réaliser un examen de santé sur les animaux en compagnie de Charles Jutras et Stéphane Rivard, deux techniciens d’expérience du MFFP. Le repérage et l’approche de ces animaux se faisaient à l’aide d’un hélicoptère piloté par Michael Vaugeois. Pour leur sécurité et celle des manipulateurs, les animaux étaient par la suite anesthésiés au moyen d’un fusil hypodermique. Les produits utilisés étaient des anesthésiques très concentrés permettant l’utilisation de petites fléchettes pouvant être envoyés à longue distance. Des colliers émetteurs ont été placés sur des femelles adultes au cours d’une mission réalisée en janvier 2018. De plus, plusieurs données morphométriques ont été prises. Le suivi des animaux avec des colliers émetteurs permettra d’en savoir plus sur l’écologie et le comportement de ces grands mammifères dans le nord du Québec et ce en fonction des pratiques de coupes forestières. Les orignaux examinées semblaient en bonne condition physique et étaient souvent accompagnées d’un faon. Une des observations d’intérêt fut la présence d’infestations de faible intensité de la majorité des orignaux par des tiques d’hiver (l’aire d’étude est située à la limite nordique de son aire de répartition connue). Des mesures d’intensité et une évaluation semi-quantitative de la sévérité de l’alopécie (perte de poils) ont été prises dans le cadre d’un programme de suivi de ce parasite mis en place par le MFFP.

La tique d’hiver (Dermacentor albipictus) est un acarien qui s’attaque principalement aux orignaux. À l’automne, les larves de tiques s’agrippent aux animaux; au cours de l’hiver, elles se nourrissent du sang de leur hôte et poursuivent leur développement, en nymphes, puis en adultes. Les tiques se nourrissent à plusieurs reprises pendant l’hiver, toujours sur le même orignal. Après la fin de l’hiver, les femelles gorgées de sang se laissent tomber au sol pour pondre. Les œufs éclosent durant l’été et le cycle recommence. Lorsqu’elles sont en grand nombre, les tiques contribuent à affaiblir les orignaux. Dans les régions où les conditions environnementales lui sont plus favorables, on peut retrouver des dizaines de milliers de tiques sur un seul orignal. Les signes cliniques les plus apparents sont une perte de poils, secondaire aux frottements et grattage causés par les démangeaisons lors des morsures de tiques. Lorsqu’ils sont très parasités, les orignaux sont aussi affaiblis à cause de la perte de sang importante induite par les nourrissages répétés des tiques. L’affaiblissement des orignaux est aussi dû à une dépense énergétique supplémentaire liée au grattage excessif et au pelage endommagé, qui entraîne des pertes de chaleur. L’ensemble de ces signes peuvent parfois affaiblir l’animal jusqu’à la mort, particulièrement chez les veaux. Au Québec, le parasitisme par la tique d’hiver chez l’orignal est détecté dans le Bas-Saint-Laurent depuis les années 2000. La tique est détectée sur les orignaux de la région Capitale-Nationale depuis 2010. Même si les cas d’infestation sont présentement rapportés de manière plus importante dans les régions situées au sud du fleuve Saint-Laurent, l’expansion vers le nord de ce parasite persiste. Les causes de cette expansion ne sont pas encore toutes connues, mais la forte densité des orignaux dans certaines régions du sud du Québec et le réchauffement climatique sont parmi les hypothèses les plus souvent mentionnées. Ce parasitisme pourrait avoir des répercussions néfastes importantes sur les populations d’orignaux du Québec comme c’est déjà le cas pour les populations du nord des États-Unis.

La prévalence relativement élevée de ce parasite chez les orignaux de la Jasémie et des mentions fortuites suggèrent que l’expansion vers le nord de ce parasite se prolongera possiblement au-delà du 53e parallèle et pourrait infecter des populations de caribous forestiers. Pour l’instant les niveaux d’infestations semblent plutôt faibles et ont donc vraisemblablement un impact limité sur la santé des animaux. Néanmoins ce parasite et ses effets sur les populations d’orignaux sont définitivement à surveiller.

 

Photo 1 : Femelle orignal anesthésiée présentant une alopécie (perte de poils) au niveau du dos causée par une infestation par la tique d’hiver (Dermacentor albipictus)

 

Photo 2 : Femelle orignal muni d’un collier émetteur bien éveillée quelques minutes après avoir reçu l’antidote suite à son anesthésie.

 

Benjamin Lamglait et Stéphane Lair

RCSF – Québec

You may also like...

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *