Au cours des derniers mois, le centre régional Ontario/Nunavut du Réseau canadien de la santé de la faune (RCSF) a reçu de nombreux signalements de canards et d’oies retrouvés morts. Après analyse d’échantillons provenant de différentes régions de l’Ontario, y compris de grandes mortalités dans les comtés d’Essex et de Wellington, nous pouvons confirmer que, dans la majorité des cas, l’agent responsable de ces mortalités est le virus de l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP). Les virus de l’influenza aviaire sont présents depuis longtemps dans les populations d’oiseaux aquatiques sauvages, un peu de la même manière que les virus saisonniers de la grippe circulent depuis longtemps chez les humains.2 Dans ce contexte, plusieurs se demandent pourquoi l’on retrouve maintenant de grands nombres d’oiseaux aquatiques morts flottant dans les étangs et les rivières à l’automne et en hiver, un phénomène qui semble récent et récurrent. Après tout, si l’influenza aviaire circule depuis si longtemps chez les oiseaux sauvages, pourquoi observons-nous seulement maintenant des niveaux de mortalité aussi élevés ?

La réponse à cette question réside dans une étude plus approfondie du virus lui-même. Tous les virus possèdent un code génétique, et des mutations dans ce code peuvent parfois donner naissance à de nouveaux sous-types. Même si les virus de l’influenza aviaire circulent depuis longtemps chez les oiseaux aquatiques, l’arrivée en Amérique du Nord, en 2021, du clade 2.3.4.4b du virus hautement pathogène H5N1 a entraîné l’établissement de ce nouveau sous-type.8 L’influenza aviaire hautement pathogène H5N1, clade 2.3.4.4b, est associée à une mortalité accrue par rapport à la version faiblement pathogène qui circulait depuis longtemps chez les oiseaux nord-américains.2 L’établissement de ce sous-type explique les grandes mortalités qui se répètent depuis quelques années. À mesure que les températures chutent et que les jours raccourcissent, les oiseaux aquatiques se regroupent et entreprennent leur migration vers le sud. Avec le H5N1 hautement pathogène maintenant bien présent dans l’environnement, ce comportement crée des conditions idéales pour la propagation du virus : de nombreux oiseaux en mouvement et regroupés dans les étangs, les rivières et les champs. Cela contribue probablement à la saisonnalité des grands événements de mortalité, qui surviennent souvent à l’automne et en hiver.2

Le RCSF a détecté l’IAHP chez plusieurs espèces, mais surtout chez les oiseaux aquatiques. Des sujets d’espèces nécrophages, comme les urubus à tête rouge, les corneilles d’Amérique, les grands corbeaux, les pygargues à tête blanche, les renards et les ratons laveurs ont également été testés positifs. Bien que de rares détections soient rapportées,11 nous n’avons trouvé aucun passereau positif en Ontario. Les infections à IAHP chez les mammifères ont généralement été limitées aux événements de nécrophagie – des espèces comme les renards ou les ratons laveurs consommant des carcasses d’oiseaux morts de cette infection virale.10 Toutefois, l’éclosion survenue l’an dernier chez les vaches laitières aux États-Unis a bien démontré qu’une transmission soutenue de ce virus entre mammifères est aussi possible.9 Malgré cela, le risque pour le grand public demeure faible.6 Aucun cas humain confirmé d’IAHP en Amérique du Nord n’a résulté d’une exposition à des oiseaux sauvages ;5 la plupart des cas ont été associés à des expositions dans des élevages avicoles ou des exploitations laitières infectées.3

Malgré la présence de ce virus influenza pathogène sur le territoire, tous les événements de mortalité ne peuvent être attribués à cette infection virale. Bien qu’elle soit responsable de la majorité des mortalités aviaires cette année, les échantillons provenant de quelques mortalités survenues en octobre dans le comté de Simcoe étaient négatifs pour l’influenza aviaire mais positifs pour le botulisme aviaire de type E. Ces détections font suite à une importante éclosion en 2024, au cours de laquelle le RCSF a confirmé la maladie à partir d’échantillons provenant de la côte de la baie Georgienne et reçu des signalements de plus de 500 oiseaux morts. Le botulisme aviaire est une maladie causée par l’ingestion d’une toxine produite par la bactérie Clostridium botulinum.1 Cette bactérie est présente dans les sédiments des Grands Lacs et produit cette toxine mortelle en conditions pauvres en oxygène.7 Cela entraîne souvent des mortalités à petite ou grande échelle à l’automne, lorsque des moules mortes deviennent des chambres de production de toxine.4 La toxine atteint les oiseaux mangeurs de moules lorsqu’ils consomment ces dernières, et affecte les oiseaux piscivores lorsqu’ils consomment des poissons ayant ingéré des moules contenant la toxine.12 Les canards plongeurs consomment des moules, tandis que les grèbes et les goélands consomment des poissons : il n’est donc pas surprenant que ces espèces soient fréquemment touchées par le botulisme de type E.

Que peut-on faire pour assurer votre sécurité et celle de vos animaux de compagnie ? Si vous trouvez un animal sauvage mort, ne le touchez pas. Communiquez avec l’autorité responsable de votre région. Si vos animaux de compagnie passent du temps à l’extérieur, gardez-les en laisse et éloignez-les de tout animal sauvage mort. S’ils entrent en contact avec une carcasse, contactez votre vétérinaire. Si vous êtes chasseur, faites bien cuire la viande de gibier et suivez les pratiques de manipulation sécuritaire. Pour plus d’information sur la façon de vous protéger, vous et vos animaux, contre l’influenza aviaire, veuillez consulter la page Web du gouvernement du Canada sur l’influenza aviaire chez les oiseaux sauvages. Bien que le botulisme puisse affecter les humains, les éclosions de botulisme aviaire ne posent généralement pas de risque pour la santé humaine. Les humains contractent habituellement le botulisme de type E par des aliments en conserve ou fumés préparés de façon inadéquate.

En fin de compte, davantage de recherches sont nécessaires pour mieux comprendre et combattre les différentes maladies pouvant entraîner ces importantes mortalités chez les oiseaux. Nous travaillons avec divers partenaires pour atteindre cet objectif, mais nous avons besoin de votre aide. Vous pouvez contribuer à cette recherche en communiquant avec le RCSF pour signaler tout oiseau malade ou mort que vous observez. En Ontario et au Nunavut, vous pouvez soumettre un signalement en ligne ou nous appeler au 1-866-673-4781.

Préparé par Abby Irwin, Daniel Bayley et Jenna Matsuba, RCSF Ontario/Nunavut

 

Références

  1. Espelund, M. & Klaveness, D. (2014). Botulism outbreaks in natural environments – an update. Front Microbiol, 5. https://doi.org/10.3389/fmicb.2014.00287
  2. Fourment, M., Darling, A. E., & Holmes, E. C. (2017). The impact of migratory flyways on the spread of avian influenza virus in North America. BMC Ecology and Evolution, 17, Article 118. https://doi.org/10.1186/s12862-017-0965-4
  3. Garg, S., Reinhart, K., Couture, A., Kniss, K., Davis, C. T., Kirby, M. K., Murray, E. L., Zhu, S., Kraushaar, V., Wadford, D. A., Drehoff, C., Kohnen, A., Owen, M., Morse, J., Eckel, S., Goswitz, J., Turabelidze, G., Krager, S., Unutzer, A., … Olsen, S. J. (2025). Highly pathogenic avian influenza A(H5N1) virus infections in humans. New England Journal of Medicine. https://doi.org/10.1056/NEJMoa2414610
  4. Getchell, G. & Bowser P. R. (2006). Ecology of Type E Botulism Within Dreissenid Mussel Beds. Aquatic Invaders, 17, Article 2. Ecology of type E botulism within dreissenid mussel beds
  5. Government of Canada. (2024). Avian influenza in wild birds. https://www.canada.ca/en/environment-climate-change/services/migratory-game-bird-hunting/avian-influenza-wild-birds.html
  6. Government of Canada. (2025). Avian influenza A(H5N1): Spread, prevention and risks. https://www.canada.ca/en/public-health/services/diseases/avian-influenza-h5n1/prevention-risks.html
  7. Hannett, G. E., Stone, W. B., Davis, S. W., & Wroblewski, D. (2010). Biodiversity of Clostridium botulinum Type E Associated with a Large Outbreak of Botulism in Wildlife from Lake Erie and Lake Ontario. Appl Environ Microbiol, 77, Article 3. https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC3028746/
  8. Meade, P. S., Bandawane, P., Bushfield, K., Hoxie, I., Azcona, K. R., Burgos, D., Choudhury, S., Diaby, A., Diallo, M., Gaynor, K., Huang, A., Kante, K., Khan, S. N., Kim, W., Ajayi, P. K., Roubidoux, E., Nelson, S., McMahon, R., Albrecht, R. A., Krammer, F., & Marizzi, C. (2024). Detection of clade 2.3.4.4b highly pathogenic H5N1 influenza virus in New York City. Journal of Virology. https://doi.org/10.1128/jvi.00626-24
  9. Mostafa, A., Naguib, M. M., Nogales, A., Barre, R. S., Stewart, J. P., García-Sastre, A., & Martinez-Sobrido, L. (2024). Avian influenza A (H5N1) virus in dairy cattle: origin, evolution, and cross-species transmission. mBio, 15, Article 12. https://doi.org/10.1128/mbio.02542-24
  10. Plaza, P. I., Gamarra-Toledo, V., Euguí, J. R., & Lambertucci, S. A. (2024). Recent changes in patterns of mammal infection with highly pathogenic avian influenza A(H5N1) virus worldwide. Emerging Infectious Diseases. https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC10902543/
  11. Ringenberg, J. M., Weir, K., Humberg, L., Voglewede, C., Oswald, M., Root, J. J., Dilione, K., Casey, E., Milleson, M., Linder, T., & Lenoch, J. (2024). Prevalence of avian influenza virus in atypical wild bird host groups during an outbreak of highly pathogenic strain EA/AM H5N1. Transboundary and Emerging Diseases. https://doi.org/10.1128/mbio.02542-24
  12. Yule, A. M., Barker, I. K., Austin, J. W., & Moccia, R. D. (2006). Toxicity of Clostridium botulinum type E neurotoxin to Great Lakes fish: Implications for avian botulism. Journal of Wildlife Diseases, 42, Article 3. https://doi.org/10.7589/0090-3558-42.3.479

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