Cas d’infections par le virus du Nil occidental chez des plongeons huards au Québec
Au cours des mois de juillet et août derniers, cinq plongeons huards (Gavia immer) adultes ont été trouvés morts dans le même secteur dans la région de l’Outaouais au Québec. Trois de ces oiseaux ont été soumis pour analyse au centre régional pour le Québec du RCSF (CQSAS).
L’examen pathologique effectué chez ces oiseaux a révélé la présence de lésions au niveau de la rate et des intestins : une splénite (inflammation de la rate) fibrinonécrotique et une entérite (inflammation de l’intestin) caractérisée par une nécrose multifocale des cryptes intestinales (photo 1). À noter que les trois oiseaux avaient un très bon état corporel, ce qui indique une mort des suites d’un processus aigu. Les lésions observées étaient suggestives d’une infection bactérienne ou virale. Deux virus, d’origine exotique, présents au Québec chez les oiseaux sauvages peuvent potentiellement causer ce type de lésions : l’influenza aviaire hautement pathogène (H5N1) et le virus du Nil occidental (VNO). Le H5N1 a fait son apparition en Amérique du Nord au cours de l’hiver dernier. Ce virus, qui a causé jusqu’ici un grand nombre de mortalités chez différentes espèces d’oiseaux sauvages et domestiques, est connu pour induire des lésions dans différents organes, incluant les intestins et la rate. Le VNO, qui a été introduit au Canada au début des années 2000, peut aussi causer des lésions d’entérite et de splénite chez certaines espèces d’oiseaux.
Les analyses moléculaires effectuées sur la rate des plongeons examinés ont permis de mettre évidence une infection par le VNO chez les trois oiseaux testés. Les analyses se sont révélées négatives pour le H5N1. Ces résultats nous ont permis de conclure que la mort de ces trois plongeons avait été causée par une infection aiguë par le VNO.
Le VNO est un flavivirus qui se transmet d’un oiseau à l’autre par piqûre de moustiques. Ce virus peut affecter plusieurs espèces d’oiseaux sauvages; les corvidés et les oiseaux de proie y étant particulièrement sensibles. À noter que certaines espèces de mammifères, incluant les chevaux, les écureuils et les humains peuvent aussi être affectés par ce virus. Dans la majorité des cas le VNO cause des signes cliniques de nature neurologique. Il peut aussi causer des mortalités rapides, sans atteinte neurologique comme dans les cas présentés ici. La nature aiguë des lésions observées chez les trois plongeons examinés indique une progression fulgurante de la maladie chez cette espèce, ce qui suggère une susceptibilité d’espèce élevée à cette infection virale.
Bien que des cas de VNO aient déjà été rapportés au Minnesota chez des plongeons huards (voir Wünschmann, A. 2021. Pathology in Practice. 1410–1412), il s’agit à notre connaissance des premiers cas rapportés chez cette espèce au Canada. En effet, aucun cas de plongeon huard infecté par le VNO n’a été trouvé dans la banque de données du RCSF (WHIP) qui contient les résultats des analyses effectuées sur plus de 500 plongeons huards depuis le début des années 2000. Au Québec, les cas de VNO sont surtout observés dans la portion sud de la province. La documentation de ces trois cas peut suggérer que le VNO augmente son aire de distribution vers les régions plus nordiques de la province. On peut faire l’hypothèse que l’augmentation des températures associées aux changements climatiques favorisera la reproduction des espèces de moustiques vecteurs de ce virus dans les régions plus nordiques du Canada. Ce virus pourra donc infecter des espèces d’oiseaux, comme les plongeons huards, qui passent l’été dans ces zones.
À noter que jusqu’ici en 2022, 58 cas d’infections par le VNO ont été documentés chez des oiseaux sauvages en 2022 au Québec, ce qui indique une activité virale assez importante pour le VNO sur le territoire québécois. Ceci suggère que les conditions environnementales printanières et estivales ont été favorables à la transmission de ce virus en 2022 au Québec, du moins chez les oiseaux sauvages. Ce rapport de cas montre bien qu’une infection par le VNO devrait être considérée comme une cause potentielle de mortalité aiguë chez les plongeons huards au cours de la saison estivale, surtout en présence de lésions inflammatoires de la rate et des intestins. La nature fulgurante des infections observées suggère que cette espèce est relativement sensible à ce virus et pourrait donc être affectée de façon significative dans l’éventualité où ce virus exotique sera de plus en plus répandu dans son aire de reproduction estivale.
RCSF – Québec