Chaque année, certaines communautés du Nunavut déposent une demande de permis pour chasser une seule baleine boréale. Il s’agit d’un processus intensif et coûteux, qui peut débuter plus d’un an à l’avance. Les communautés investissent d’importantes ressources humaines et matérielles dans ces chasses, et leur réussite est cruciale, car elles constituent une source précieuse de nourriture et de matériaux d’artisanat. Les chasses sont également importantes pour l’identité culturelle inuite et représentent une occasion essentielle de transmettre des savoir-faire et des connaissances à la prochaine génération.

Ces chasses offrent aussi une occasion unique de recueillir des échantillons importants permettant d’évaluer l’état de santé et la conservation des baleines boréales, tant au niveau individuel que populationnel. Le prélèvement d’échantillons de recherche est complexe, en raison à la fois des aspects techniques du processus de collecte et de la complexité inhérente à la découpe de l’animal. La présence de pathologistes vétérinaires lors de la chasse et de la découpe constitue une opportunité précieuse pour effectuer ces prélèvements, mais aussi pour former les membres de la communauté à la collecte et au traitement de ces échantillons lors de futures chasses.
Le financement de la participation du Dr Pierre-Yves Daoust et de la Dre Laura Bourque à la chasse à la baleine boréale de Pangnirtung (NU) a été assuré par le ministère des Pêches et des Océans du Canada. Notre mandat consistait à observer la chasse, à recueillir des échantillons de recherche et à offrir une formation sur les prélèvements aux membres de la communauté en vue de chasses futures.
Nous sommes arrivés à Pangnirtung le 18 juillet et avons consacré les jours suivants à la préparation de la chasse, ce qui comprenait des rencontres avec divers membres de la Hunters and Trappers Organization afin d’organiser la logistique des prélèvements, ainsi que l’achat de matériel de camping auprès des commerces locaux. L’île Qikiqtan (65°42’17”N, 65°48’29”W) a été choisie comme camp de base, puisqu’elle a traditionnellement servi de camp lors des chasses à la baleine boréale de Pangnirtung et qu’elle représente un important site de patrimoine culturel en tant qu’ancienne station baleinière.
Nous avons voyagé en bateau avec l’équipe de chasse et leurs familles jusqu’à Qikiqtan le 22 juillet, puis avons passé les jours suivants à installer le campement et à attendre que les conditions météorologiques soient optimales pour la chasse. Les conditions idéales exigent une journée ensoleillée avec très peu de vent, ce qui réduit la houle et améliore la visibilité pour repérer les baleines.
Le matin du 26 juillet, nous sommes partis dans la baie de Cumberland et, très rapidement, l’équipe de chasse a repéré une baleine adulte. Les chasseurs de Pangnirtung ont démontré une compétence remarquable dans leur travail, qui exigeait une coordination impressionnante entre de nombreux bateaux, ainsi qu’une grande maîtrise de l’utilisation des grenades, des harpons et des lances.

Une fois la baleine abattue, elle a été remorquée jusqu’au camp de base de Qikiqtan où a commencé le processus de découpe. Un grand nombre de membres de la communauté étaient présents et ont participé activement à la récolte des parties de la baleine, importantes à la fois comme ressources alimentaires et comme ressources culturelles pour la communauté.
Nous avons pu prélever des échantillons de recherche et former un membre de la communauté à la collecte d’un large éventail d’échantillons pouvant être utilisés pour diverses analyses, notamment l’histopathologie, la PCR et la toxicologie. Une fois les prélèvements complétés, nous avons aidé à poursuivre la découpe. Celle-ci est un processus extrêmement exigeant physiquement et a duré environ deux jours et demi, mobilisant par moments plus de 20 personnes sur la carcasse.
Cette expérience a mis en évidence à quel point les baleines boréales sont importantes pour les communautés inuites, ainsi que la nécessité de préserver non seulement l’espèce elle-même, mais aussi le patrimoine culturel qui l’entoure. J’espère que nous pourrons continuer à collaborer avec les communautés du Nunavut à l’avenir sur les questions de prélèvements et de santé touchant tant les baleines boréales que d’autres mammifères marins.
Par: Laura Bourque